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Le 7 octobre 1916, à 4h00 de l'après midi ...
18 avril 2008

Janvier 1992, découverte ...

Alors, du haut de ses 4 ans, cette toute petite fille a attendu, longtemps...très longtemps, mais il n'est jamais revenu.

Longtemps, elle a cru que c'était de sa faute ... et comme tous les enfants qui perdent trop tôt un papa ou une maman, elle s'est mise à l'aimer, à le chérir, à l'adorer même, comme seul un enfant peut le faire... Puis, elle a recueilli tout ce qu'elle a pu trouver de lui, et a tout gardé précieusement  afin de nous le transmettre un jour ...

"Les grand mères sont la mémoire du monde. La mort est encore la vie quand on a su transmettre toutes les richesses que l'on porte en soi." (Edouard Bled)

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Une petite boîte en métal ...

La petite boîte de ma grand mère: A la mort de mes grands parents paternels, j'ai pu découvrir que ma grand mère, Lucette, détenait une petite boîte en métal pleine de vieux papiers, de carnets, de lettres, de photos de guerre, certains documents étaient même de 1870 ... en fouillant un peu plus, je suis tombée sur tout un tas de documents issus de la Grande Guerre, des carnets écrits, des courriers ... et tout provenait ou parlait du même homme: Georges Emile Luche, son papa. ma grand mère, avec qui je n'avais jamais établi de liens ... avait eu une idée extraordinaire en conservant toutes ces petites choses.

Mélange d'Amélie Poulain et d'Un long dimanche de fiançailles avant l'heure, grâce à cette boîte ... au bout, pas de bonheur à trouver, ni même un fiancé perdu, mais juste l'histoire de mon arrière grand père, qui, comme tous ces hommes, avaient terriblement peur qu'on les oublie.

Ce que Georges Emile a laissé: Des photos prises par lui, des médailles, des cartes-photos, quelques lettres, des carnets noirs, roses ... et à l'intérieur, l'écriture minuscule d'un homme qui racontait à travers ces pages, la Grande Guerre, les tranchées, les longues marches, et surtout, tous ces morts autour de lui, ses amis, ses camarades, qui restaient là, dans la boue ... Je tournais les pages, et je voyais monter la peur, cette peur d'y passer un jour, alors qu'il avait sa femme, sa petite fille là bas, qui l'attendaient ... Marcher tous les jours vers la mort, sans plus trop savoir pourquoi, tuer toujours plus jusqu'à ce que cela devienne le quotidien. Les morts, les mouches, les odeurs, la crasse, la boue, la faim, c'était ça être soldat à ce moment là. Son bataillon a subi le plus de pertes durant ces quatre années et a du être reconstitué plusieurs fois tellement les hommes y mourraient. A la fin du deuxième carnet noir, juste après une permission apparait ces quelques mots: "mort le 7 octobre 1916 Bouchavesnes".

Première lettre lue: Mais ma première découverte fut cette lettre, envoyé à sa femme, Blanche, écrite par son ami. Une lettre faite d'excuses, triste, celle d'un homme qui a perdu son ami de guerre ... et à cette époque, dans cette horreur, il était réellement important d'avoir de bons amis autour de soi, cela donnait du courage pour sortir de la tranchée et foncer, de ne pas se sentir seul à ce moment là ... une amitié était la petite source lumineuse qui aidait à vivre ce quotidien misérable. C'était ce qui restait d'humain au milieu de ce carnage.

27 octobre 1916

Madame, je vous demande de bien vouloir me pardonner de vous avoir menti dans la lettre que je vous ai adressée dernièrement. Je connaissais la pénible vérité puisque mon pauvre ordonnance (?) a été tué à un mètre de moi, mais je me sentais pas le courage de vous l'annoncer. Maintenant que la fatale nouvelle est connue de vous, je vais vous donner les détails qui vous interesseront, j'en suis sûr quelques pénibles qu'ils soient. Luche a été tué le 7 octobre vers 4h00 de l'après midi. Nous avions fait l'attaque et comme d'usage, il avait constamment marché près de moi. Quand nous fumes arrêtés sur la tranchée allemande que nous n'avions pu prendre, nous sautâmes dans un trou d'obus et nous nous mîmes à travailler pour l'approfondir. Les Allemands étaient à trente mètres de nous, nous les voyions parfois circuler et bien entendu nous tirions dessus. Lorsque le malheur arriva, nous étions allongés côte à côte dans le trou, la tête seule dépassant et nous échangions des réflexions joyeuses sur la mort des boches que l'on tirait au passage. Brusquement, je vis votre infortuné mari baisser la tête en même temps qu'un claquement sec me cinglait les oreilles. Je n'eus hélas pas à lui donner de soin. La balle étant rentré en plein front et je vous puis avouer qu'il n'a aucunement souffert. Je vous avoue, Madame, que je suis resté là, hébété, n'osant pas croire à pareil malheur. Nous avions déjà cotoyé ensemble tant de dangers auxquels nous avions échapés que je ne pouvais croire que cela puisse un jour se produire. Luche était un camarade pour moi et je vous dis sincèrement qu'il eut à la dernière minute, les larmes et les sourires (?) d'un ami. Il ne pouvait être question dans une position aussi critique, alors que des blessés restaient sur le terrain, de faire transporter son corps. J'ai fini de creuser moi même le trou assez profond dans lequel nous étions et après avoir eu soin de lui laisser sa plaque d'identité et de lui ôter ses papiers, sa montre, je le couvrais d'une toile et je l'ai inhumé là. J'ai remis tous ces objets au Sergent Major, je pense qu'ils vous sont tous parvenus. Je sais l'endroit à peu près exact où se trouve la tombe de votre mari. Je crois que c'est encore en ce moment en avant de nos lignes, puisque nous avons du nous replier ***** ce jour là. Je vous enverraidès que je le pourrai un plan sur lequel ce sera mieux marqué que sur le croquis succint que je vous donne ici. J'ai la photo dont vous me parlez. Je vous enverrai des épreuves et même le cliché afin que vous puissiez la faire agrandir si vous le désirez. Je me tiens à votre disposition, ne craignez pas de m'écrire si vous aviez besoins de renseignements. Je vous prie de croire, Madame, à la grande part que je prends à votre peine, et je vous adresse mes sentiments respectueux.

Courrier du Lieutenant Galtier.

1_re_lettrre_2

J'ai lu ensuite, cette première lettre,  celle où le Lieutenant mentait à mon arrière grand mère. Trop difficile pour lui d'avoir vu son ami mourir à ses côtés, bêtement, en 1 seconde, au bout de tant de galères traversées, de confidences, d'entraide, et de devoir en plus raconter ce moment douloureux à sa femme, seule là bas, avec leur petite fille. Lui même n'arrivait certainement pas à surmonter sa peine.

     1_re_lettre

G_Emilie_et_Lieut

Georges Emile Luche, derrière son lieutenant

Pour  découvrir Georges Emile Luche, piochez dans les catégories sur votre droite, dont voici la liste ici

Introduction (où vous vous trouvez)

Rien qu'un homme ...(lettres à sa femme, et autres ...)

Carnet 1914 (les extraits de ses carnets pour cette année là)

Carnet 1915 (idem ...)

Carnet 1916 (idem ...)

Le début de ce siècle ...(l'esprit de l'époque, les découvertes, la nation, la vie ...)

Bouchavesnes (passé, présent)

Pour mieux comprendre les écrits (explications sur l'armée entre autre ...)

Sa famille ... (ceux dont il parle, ses parents ...)

Sa fille, ses enfants, ses petits enfants ... (sa descendance: arbres ...)

Une pensée pour son petit frère (Théodule, mort au combat à 24 ans ...)

".. Comme les enfants, nous aimons que l'on s'occupe de nous, que l'on pense à nous, et si on ne peut nous soulager que l'on nous plaigne. Notre plus grande crainte c'est celle que l'on nous oublie..." 17 août 1917.

Boutet, 6ème Régiment du Génie compagnie 9/6 T.

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Commentaires
S
Quel témoignage bouleversant ! A la fois passionnant de remonter le temps grâce à cette boîte et de se rapprocher de ses grands-parents et de découvrir la réalité de cette terrible guerre. Vous avez fait là un travail de mémoire remarquable. Vous honorez ainsi vos aïeux et la France d'aujourd'hui qui a tant besoin de moralité.<br /> <br /> J'aimerai faire de même en écrivant l'histoire d'un Poilu de mon village, mort aussi à Bouchavesnes en 1916. Pourriez-vous m'aider?<br /> <br /> Stéphane
Le 7 octobre 1916, à 4h00 de l'après midi ...
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